tension - butoir

Avec l'autre, cela ne va jamais "comme on veut", "comme on peut", "comme on sent", "comme on voit". L'autre se détermine en fonction de ses terrains, et s'achemine selon ses orientations : ce qu'il ambitionne de "dire" dans la vie. L'autre esquive, échappe, s'en va... parce qu'il ne retrouve ses équilibres qu'en lâchant les nôtres... et ainsi de suite. 

L'autre est un "monde", une "création" en soi. Une stabilité et un vertige en lui-même. L'autre vient à nous ou se retire ; l'autre pour nous est un évènement aléatoire qu'on subit, ou à partir duquel on s'approfondit et on rebondit. L'autre manifeste des limites—qui, si on les franchit, nous ramènent bien vite chez nous ! Pas de mélange avec l'insupporté—présumé "insupportable".

"Huis clos" - Jean-Paul Sartre.
L'enfer, c'est les autres. A une condition : qu'on ait soi-même de l'empathie—à savoir une capacité de perception des états affectifs et cognitifs des autres—au point de ne plus savoir se distinguer d'eux, au point de s'intoxiquer soi... sans même vraiment de compassion, mais juste dans l'imitation. Les détresses partagées ou contagieuses sont une plaie. Elles désaxent, dés-identifient, dénaturent... font perdre aux agents vivants leur saine autonomie de base.

Comment mutualiser sans effondrer ? Comment faire grandir chacun à partir de sa souche propre ? Dans l'accompagnement, et néanmoins dans l'opposition, la critique ou la contradiction. En accueillant l'idée de la complémentarité. L'autre possède ce que je ne suis pas. Et plus l'autre se construit sur un pic, plus ses visions seront précises et vastes, et plus il n'en sera que bénéfice pour moi. Il nous faut repérer les altérités construites sur des pics ! Ou plutôt, repérer en chaque altérité sa capacité de pic (plus ou moins spectaculaire ou élevé). Entretenir une relation alors, c'est "gravir"—dans la rugosité ou la glissade, la rocaille, la prise ou l'éboulis. L'autre, dans son jeu, nous maintient à distance, sous contrôle... pour se protéger autant que pour s'affirmer. Les "mondes" magnétiques s'attirent franchement ou se tiraillent maladivement, se cooptent tout ou partie ou se répulsent catégoriquement. Il sont dynamiques en ce sens que ceux qui les portent évoluent sur des flots constamment tumultueux. C'est à qui tiendra le mieux sans chavirer. Le tumulte vient de la consistance des dits-mondes et de leurs multiples inter-polarités.

Les mondes sont notre lot d'humain(s) ; ils nous permettent d'interfacer avec la réalité, de prendre corps dans des matrices de vie. Ce sont ces matrices qui, via nos entrechoquements, se définissent, se renouvellent et se prolongent. En permanence, elles s'inventent en nous-mêmes qui les incarnons. Nous sommes leurs jouets. A n'y prendre pas suffisamment garde, elles peuvent envahir la logique affaiblie de nos psychés et rapter la fabrique de nos images mentales... jusqu'à creuser en nous un vortex d'illusions, et d'illusion à propos des illusions. Les matrices peuvent nous gagner, et tout envahir en nous—tels des attracteurs étranges, dévier notre pouvoir créateur ; tels des fantômes subjuguants, s'emparer de nos addictions. Arrivées en l'état, les matrices nous manipulent à nous en faire perdre... et le fil, et la maîtrise.

Se remettre au centre du processus. Dégager les sirènes et reprendre la barre. Se remettre à partir de soi en mouvement. Sans matrice submergeante—sans monstre, ni tempête ! Avec l'esprit sain, pur, clair et re-connecté.

L'enfer alors, ce sont nos propres matrices déconnectées. Nos propres enthousiasmes ou emballements, attachements ou inconsciences.

L'enfer vient de soi, autant que des autres. "Le paradis" aussi !

Car si nous nous appliquons à ne jamais intégralement "nous fusionner" dans les mondes des autres, tout en sachant nous immerger vitalement dans leurs parfums—leurs magnificences et/ou leurs souffrances, alors doucement, tranquillement, nous nous préparons nous-mêmes à nous remuer, à nous déplacer, à nous transformer, à évoluer, à muter. La pression par l'autre exercée nous force sans cesse à nous re-travailler, à nous re-définir... et au final à nous métamorphoser en une subtilité supérieure à la précédente. On se sert de l'énergie de l'autre pour "se laisser accoucher" selon une double nécessité : celle de notre substance (upward) et celle de notre vacuité (downward)—ou encore celle de notre légende, mythologie ou destinée personnelle.

Nous sommes en quelque sorte des créateurs... sous influence(s) .) Nous nous trouvons dans ce besoin, bien réel, pour exister !

On ne perçoit l'autre qu'au coeur de soi-même—via son empreinte propre (-racine).

On ne se perçoit soi-même qu'aux limites de l'autre—jusque là où 'il peut'... avant de bloquer.

Tout ceci est une histoire de mise-en-tension des matrices qui nous habitent, jusqu'aux seuils-butoirs de non-retour qui nous distinguent tous les uns des autres.

Et encore...

Les matrices-mères, en amont, sont des "êtres" souverains, absolus et non-corrompus—qui ne se font pas la guerre. Les matrices-mères ressemblent aux chaîne de montagnes—pacifiques et bien distinctes les unes des autres : chacune formellement "située", avec des vallées profondes à leurs lisières. Néanmoins, dès lors que nous sommes investis par elles, nous courrons tout droit le risque de les é-conduire jusqu'au conflit ! Cf. les grandes discordes inter-spirituelles. Pourquoi ? Parce que nous ne visons que rarement le sommet—unificateur en nous-même(s) déjà, et entre nous à un niveau de résolution plus fondamental. Nous nous égarons souvent sur les chemins... et nous nous enferrons dans des stades intermédiaires faits de chamailleries immatures et de sournoiseries grotesques. L'union en altitude constitue "le corps" d'en bas—en-deçà des discordances apparentes, dans une sous-couche de paix plus universelle et plus profonde ; mais aussi de plein pied dans le réel récalcitrant, en ce que celui-ci, tôt ou tard, finira par se conformer... à la Vie. Il n'aura d'autres choix.

C'est ce qui justifie les nécessaires... apparitions et synchronicités —comme autant de "guides".

Ak Mi, 14 nov. '20 - 14h18

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