nos écoutes

Calligraphie par Lorberye + travail photo.

Un parfum subtil d'huiles essentielles... peut-être un peu poivrées. Et voilà que je t'écoute. Ma perception s'ouvre. Ce déploiement multi-sensoriel m'engage sur une piste... dans la forêt ou dans la brousse, sur de la mousse fraîche ou au travers de buissons craquants, en un "quelque part" d'à la fois humide et sec, sous-terrain et incandescent, terrestre et aérien... Je ne sais pas encore. Là est le chemin. En attendant, je tends davantage que l'oreille... Mes yeux parcourent des lignes et des traits... pour qu'en moi se forment des espaces sensitifs avec des qualités propres. Le désir réside dans leur découverte—elles, qui se révèlent ou bien se dérobent. La surface apparente des choses se courbe pour s'approfondir en mille perspectives : des points de fuite dans des textures spécifiques—odeur, chaleur, couleur, vitesse, rythme, inclinaison. J'écoute... "toi" qui te manifestes librement, sciemment pour moi. Pareillement pour moi.

Quels sont mes mondes ? Je les raconte, mais, comme cela, là, ne les connais peut-être pas. Je m'isole dans des bulles pour en toi les faire infuser. Je les diffuse au moment même où ils m'échappent. Si, par hasard, tu les récupères, prends-en soin... car en dehors des mots écrits et lus, peut-être n'est-il pas d'existence. Alors seulement tu m'écoutes, et je t'écoute m'écouter. Ainsi les univers s'agrandissent de ne plus pouvoir ni en toi, ni en moi, seuls se contenir. Des projectiles glissent à l'infini, avec des densités diverses, et des mouvements intercalés dans des lois physiques essentiellement situées. Ce qui les "situe", c'est toi, c'est moi. On trouble l'espace-temps avec nos affections, nos émotions et parfois nos démons.

D'où vient l'écoute ? En quoi se transforme-t-elle ? Tes résonances m'habitent ; les miennes en toi s'immiscent. Ce qui était tout d'abord timide, même si affirmé et droit, tout à coup se relâche, se fluidifie et impunément, immensément, se répand... Lentement, la saine érection primitive atteint son estuaire sans doute pas définitif. L'écoute soudain se brouille. Je me rétracte doucement, me re-pelote autour de mon noyau—sans plus rien émettre. Les ondes sont coupées. Mon "yin" se re-stabilise encore ouaté par l'expérience. Tu t'en vas de moi. Ton écoute se redirige. C'est comme cela que l'on avance... de mise en présence en mise en présence avec l'évènement. Notre évènement.

Tu m'écoutes dans la dilatation de mes dimensions. Tu m'écoutes et prends ta place aux pourtours de moi, et de ma vie. Quand on est trop "soi", on ne sait pourtant pas si l'on s'éprouve limitrophe des autres dans leur réalité, ou bien seulement dans notre imagination. Ce qui pour nous peut être intérieurement "plein" se trouve peut-être en fait maigre ou vide—illusoire. Alors, on ne sait pas. Tout se disloque, s'évanouit, se désagrège, se dissout, disparaît. Aucune importance... l'empreinte reste. Les empreintes vraies sont faites de croisements entre les écoutes, de récurrences dans les échanges. Chacun selon sa dynamique créative personnelle se dirige et rejoint ses propres paysages altérisés au gré du chaos. Mais comme aspirés par une focale, honorés d'un privilège, excités par une exclusivité, et sans délires, on continue... de s'écouter.

Mes bras sont libres de danser ; mes jambes de tressaillir et de sauter. Je suis écoutée. Pour quelle ouverture synchronisée ? Pour quel flirt de l'intimité ? Ecouter, est-ce "aller vers" ou bien "se laisser pénétrer par" ? un "yang" ou bien un "yin" ? Ca, je ne sais. Une ligne de crête plutôt... précieuse quand partagée. Suis-je une voleuse de "m'aventurer" ? Suis-je facile en "faisant venir" ? Ni l'un, ni l'autre. C'est à deux. Sans point culminant. Dans un éternel recommencement.

Je recommence, mais c'est si différent...

Ak Mi, 6 nov. '20 - 11h31

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