pas d'oubli sans alchimie...


Un compte-rendu, autant qu'une réflexion, à propos de ce podcast de France Culture sur la notion d'oubli nietzschéen.
Merci de lire après avoir écouté .)
Lire aussi : "L'oubli, condition du bonheur." (textes de Nietzsche)

Une organicité des souvenirs "oubliés".
(akmi - dessin automatique numérique, 2019)
Qu'est-ce que l'alchimie par rapport à l'oubli (dans l'acception classique du terme) ?
  • Oubli—état caractérisé par l'absence ou la disparition, en l'occurrence, des souvenirs ; la perte de la mémoire.
  • Alchimie—art de purifier l'impur en imitant et en accélérant les opérations de la nature afin de parfaire "toute matière".
Qu'est-ce donc que le transfert, voire même la transmutation, par rapport au "tranché dans le vide", ou la frontière ?

Ou alors : qu'est-ce que serait "les deux ensemble" ? Qu'est-ce que serait un "oubli alchimique" ?... Un oubli qui—en sus ou en essence, déplacerait et/ou "traiterait" activement ses contenus : qui les assimilerait, les digèrerait, et, au besoin, les "transformerait" ou les "libérerait" ?
A savoir—comme l'affirme Nietzsche, un oubli qui ferait passer l'information, préalablement consciente, dans l'infra-conscient des régulations organiques—"transparentes" à notre cognition.
Quelle serait donc cette translation informationnelle dans les patterns de la matière, au sein même de son organisation interne ?

L'information "ordonne" la matière pour faire émerger de nouvelles fonctionnalités au sein de la forme incarnée.
Ce qui pourrait donc être "oublié"—au sens psychanalytique de "refoulé", est ici au contraire mécaniquement "rétrojecté" et "intégré" dans la chair.
Nietzsche parle alors "d'oubli positif" et "profond"rapporté à l'analyse du vivant, quand on observe que "ce qui est oublié" passe dans l'informationnel organique : dans la vie manifestée elle-même. Les "choses oubliées" deviennent des régulations du corps—sont agrégées aux régulations physiques déjà existantes dans le corps.
"L’oubli n’est pas seulement une vis inertiae (un principe d'inertie), comme le croient les esprits superficiels ; c’est bien plutôt un pouvoir actif, une faculté d’enrayement dans le vrai sens du mot, faculté à quoi il faut attribuer le fait que tout ce qui nous arrive dans la vie, tout ce que nous absorbons se présente tout aussi peu à notre conscience pendant l’état de « digestion » (on pourrait l’appeler une absorption psychique) que le processus multiple qui se passe dans notre corps pendant que nous « assimilons » notre nourriture." ~ Nietzsche, Généalogie de la morale (1887).
Dans le champ sociétal et dans l'histoire culturelle, ces grandes régulations se font à force de dressage éducationnel, sur des dizaines de millénaires. Ce sont elles qui permettent la conservation civilisationnelle, ainsi que sa transmission.

On peut aussi prioriser le sens de ces régulations : pour "vivre" (sur un plan physique et psychique), il faut en effet avoir le sens du tri, du dépouillement ; il faut savoir faire des choix. Il s'agit là d'un élément vital de santé ; sinon, il y a risque d'invasion et d'engorgement informationnels, jusqu'à, consécutivement : paralysie de l'action ; et ultimement : obstruction du bonheur.
Au sein de tout organisme, l'existence d'une structure hiérarchique des pulsions (et donc des valeurs) ; et, à la tête, celle d'une autorité dotée d'un instinct sélectif de rejet (des détails sans importance)—pour "y voir clair" dans le champ prospectif dégagé.
"Toute action exige l’oubli, comme la vie des êtres organiques exige non seulement la lumière, mais aussi l’obscurité." ~ Nietzsche, Généalogie de la morale (1887).
"Le bonheur, quel qu'il soit, apporte air, lumière et liberté de mouvement." ~ Nietzsche, Aurore (1881).
Ce que l'on décrit là s'appelle "création". Nietzsche invoque alors l'Art—sa revalorisation. Et il a bien raison !
Dans la vie, il faut redonner tout sa raison d'être et sa préciosité à l'instinct sélectif du sculpteur. ... Celui qui dessine dans l'espace et donne forme à ce qui fera "sens nouveau" ; celui qui non seulement extrait "la forme" de l'inutile, mais intègre l'absence de cet inutile comme information structurant le sens visé. La mémoire est alors contenue dans l'absence d'évocation ou de représentation de l'inutile—par épuration, autant que par élection.

Election. Car dans la communauté, dans le lien social, se joue beaucoup la notion de "promesse"—selon Nietzsche—comme suspension et/ou contre-régulation de la régulation initiale (par l'oubli).
Pour canaliser et se projeter / s'intégrer / s'engager dans les échanges relationnels à l'échelle individuelle, il doit en effet y avoir compréhension de la mémoire commune (comme celle d'évènements monstrueux) et adhésion à un contrat social (avec droits et obligations).
Pour jouer "partition commune"—sans fausse note. La vie (collective—culturelle et civilisationnelle) est à l'image d'une émergence symphonique "située"—singulière et unique selon les lieux où elle émerge.

Tel est le processus évoqué par le philosophe (et infléchi ou coloré, d'expressions personnelles .).

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